mercredi 19 décembre 2007

Samedi 7 juin 2003

Il me semble que chaque fois que j’ai entendu l’évocation du Canal saint Martin, j’ai eu envie de glisser dessus. Il est de ces lieux mythiques où l’on a envie d’être une fois dans sa vie. Cette première sortie sur le canal est faite en compagnie d’Olivier et de Cécile. Ils sont accompagnés de leur amie Olivia avec son petit bonhomme Valentin. Nous partons ensemble à la découverte de Paris sous un autre jour, dès que les éclusiers nous donnent le feu vert pour nous engager sous la voûte de la Bastille et du boulevard Richard Lenoir. La découverte sous un autre jour commence donc dans le noir. À la sortie, passage des écluses 7&8 avant d’arriver au pont tournant, puis la passerelle en grand arc en face de l’hôtel du Nord. Évocation du film du nom de l’hôtel, c’est vieux, mais c’est sans doute un des films qui traversera l’histoire. La passerelle est celle où Arletty dit dans sa gouaille et avec son accent inoubliable : « atmosphère, atmosphère, est-ce que j’ai une tête d’atmosphère ? ». Bien sûr il faut replacer ça dans le contexte du film. En réalité, le film a été tourné ailleurs, dans un décor reproduisant fidèlement de quartier. Mais chut ! Tout le monde ne le sait pas. Puis le passage des écluses 5&6 puis 4&3. La balade est douce, tout n’est qu’harmonie. Olivier maîtrise les amarrages au passage des écluses. J’admire sa capacité d’adaptation. Peut-être va-t-il me demander le bateau un de ces jours pour partir en vacances. Pourquoi pas ! Enfin l’écluse 2&1 où je retrouve l’éclusier avec qui j’avais discuté. Entrée dans le bassin de la Villette. Tout ce parcours est bordé de platanes et bien sûr des immeubles de la ville. On est très, très loin de l’atmosphère des bords de la Marne. Ce qui est charmant et amusant c’est la foule qui vient se promener le long du canal et regarder passer les bateaux. Cela m’est très agréable de penser que je leur apporte peut-être un peu de rêve. Je pilote avec beaucoup de fierté. Ce qui m’est encore plus agréable, est que ce bonheur est partagé avec Cécile et Olivier et leur amie. Et le petit Valentin qui s’écarquille les yeux à se faire une entorse aux muscles oculaires. L’immense rectangle du bassin de la Villette devient un lieu de bronzage, c’est Paris Plage avant l’heure. Petit repas gentil avec sa bouteille de rosé bien frais. Puis chacun trouve son coin pour la sieste. Les filles dans la cabine, Olivier sur le pont, le capitaine sur un muret à l’ombre bienfaisante d’un platane. Par radio, demande de la levée du pont de Crimée c’est rigolo de bloquer les autos et de passer à 5 kilomètres à l’heure devant eux. Passage devant le grand embranchement du canal de Saint Denis et entrée sur le début du canal de l’Ourcq. Si je reviens un jour en bateau à Paris, ce sera pour faire une balade sur ce canal. Tous les guides le décrivent comme un bijou. Il a été créé non seulement pour la navigation commerciale, mais pour apporter de l’eau pour nettoyer les rues de Paris. Puis retour par la succession d’écluses, toujours beaucoup de monde sur les berges. Cela nous permet d’échanger des sourires. Prête moi ton sourire, je te confie le mien. Mes trois passagers ont l’air très heureux de leur journée. Olivier me dit que c’était un pur moment de plaisir au cours duquel la tranquillité prime sur le temps et l’espace. Il a tout compris de ma démarche. Quand je disais, en blaguant avant le départ, je vais à Paris en bateaux pour voir ma fille, et bien c’est fait. Un petit coup de téléphone à la famille, chacun rentre à la maison je reste seul dans mon bateau, heureux. Je recommence demain.